Sujets d'actualité

Quel est le niveau de maturité de votre entreprise ?

Depuis le début des années 2000, de plus en plus de formations en gestion de projet sont proposées autant par le biais de formations internes en entreprise qu’au sein d’universités. Elles abordent les techniques de planification (méthodes Pert ou Gantt), le découpage d’un projet en lots (technique WBS : Work Breakdown Structure), le pilotage des réalisations et des coûts, la gestion du changement ou encore très récemment la gestion du risque. Depuis quelques années, on a vu apparaître des standards des méthodologies de gestion de projet qui regroupent tout ou partie de ces points comme la méthodologie Prince2 pour les projets techniques ou encore CMMI pour les projets informatiques.

Si la réussite des projets était uniquement dépendante du choix de la méthode et des outils utilisés, la question du management de projet serait résolue depuis bien longtemps ! Et la dramatique statistique comptabilisant les projets en échec n’angoisserait plus les chefs de projet, commanditaires et prestataires ! La réussite du projet, non pas celle qui se limite à une recette signée avec les réserves d’usage, mais la vraie, celle qui se voit lorsque la rentabilité prévue est au rendez-vous, dépend d’autres paramètres.

Une étude réalisée en 2005 par le Gartner Group sur l’échec des projets montre que seulement 25 % des projets génèrent les bénéfices escomptés et que 66 % des projets dépassent le budget, sont en retard ou ne mettent pas en œuvre les fonctionnalités prévues au départ.

Ces deux chiffres sont plutôt alarmants quant à l’efficacité de la gestion de projet. Le Standish Group est plus pessimiste encore en avançant le chiffre de 84 % des projets qui échouent. Alors pourquoi tant de projets échouent-ils encore ?

Projet, gestion de projets, équipe projet pris séparément ne sont que des termes, des concepts sans la moindre utilité si on oublie qu’à la base il y a une Organisation. La vraie question est alors, pour mieux comprendre les taux élevés d’échecs dans la gestion de projet, de savoir ou se situe l’organisation dans son cycle de maturité c’est-à-dire son niveau de « Capabilité ». La maturité d’une organisation est le degré auquel celle-ci a déployé explicitement et de façon cohérente des processus qui sont documentés, gérés, mesurés, contrôlés et continuellement améliorés.

Un niveau de maturité correspond à l’atteinte d’un niveau de « Capabilité » uniforme pour un groupe de processus. Un niveau de « Capabilité » mesure l’atteinte des objectifs d’un processus pour un niveau donné. Les domaines de processus rattachés à un niveau de maturité M ne peuvent être stabilisés et efficaces que si les domaines de processus des niveaux inférieurs ( < M ) sont déjà stabilisés et efficaces (principe d’empilement).

Les 5 niveaux sont :

– Initial (niveau de maturité 1)
– Managed (niveau de maturité 2)
– Defined (niveau de maturité 3)
– Quantitatively managed (niveau de maturité 4)
– Optimizing (niveau de maturité 5)

En conclusion je souhaiterais vous faire part d’une petite anecdote entre un médecin et une organisation tirée du livre CMMI 1.2 de Richard Basque et qui à mon sens résume de façon formidable le chemin qui reste à parcourir pour nombres d’organisations et de gestionnaires de projets dans l’implantation de systèmes qualité ou de gestion de projets.

Ceux qui ont vécu quelques expériences de développement de projets au sein d’une organisation immature, reconnaîtront ici les symptômes que je vais évoquer. Supposons, pour faire image, qu’une organisation se présente chez le médecin. Comme tout médecin désireux d’aller droit au but, il pose la question typique lorsqu’il accueille la patiente dans son bureau :

« Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? ».
Voilà l’organisation qui répond avec un trémolo d’angoisse :

« Tout, docteur ! Nos projets ne sont jamais livrés dans les délais convenus initialement. Les dépassements sont devenus la règle. Pire : on découvre cette catastrophe seulement à la dernière minute car notre visibilité sur la progression réelle des projets est minimale. Comme on est obsédé par la date de livraison, il arrive parfois que le hasard nous fasse réaliser suffisamment tôt que le délai communiqué au client ne tient pas la route. Alors branle bas de combat ! À fond la caisse, on redirige plusieurs ressources vers le bateau en péril et on réussit parfois à reprendre le dessus sur le calendrier menacé. Mais à quel prix ! Plusieurs projets, ailleurs, souffriront d’une brusque ponction de leurs ressources pour sauver le navire en péril et bientôt ceux-ci réclameront le même remède de cheval, nous entraînant souvent dans une réaction en chaîne infernale »…. « Qu’à cela ne tienne : on n’est quand même pas pour s’avouer vaincu dès le début du projet ! Alors hop : on fait entrer cette technologie miraculeuse dont on a vu une démo à une conférence récente et dont on dit des merveilles. Ce n’est pas une mince tâche, je vous assure. Mais nos techniciens sont brillants aussi et bientôt la technologie en question ronronne comme une nouvelle voiture de sport, prête à bondir pour nous. Pour nous mais… pas pour le client ! Lors d’une rencontre de travail, convoquée précipitamment et à laquelle nous étions mal préparés, le client nous annonce que nous avons mal compris son besoin ! En toute bonne foi, il nous faut bien admettre qu’il a raison. Certes, les phrases du cahier des charges étaient floues mais à la relecture, on découvre, effarés, que cette technologie coûteuse que l’on vient d’acquérir non seulement ne peut fonctionner dans l’environnement du client mais, de plus, était inutile à la lumière de la nouvelle compréhension des exigences ! Alors imaginez notre déconvenue… Pitoyables, nous retournons dans notre chaumière pour nous précipiter au téléphone pour rappeler de vacances les quelques effectifs qui nous avaient presque supplié de les laisser partir car déjà épuisés par le dernier marathon visant à faire entrer la nouvelle technologie. Comme ce sont de bons soldats, ils rentrent au bercail, laissant leurs familles, qui sur la plage, qui à la montagne, promettant, comme un ivrogne, que c’est la dernière fois, tout en sachant hélas, on peut tout se dire docteur n’est-ce pas, que ce n’est qu’une fois de plus et qu’il y en aura encore. Pendant ce temps, les quelques projets que nous avons livrés ne cessent de réclamer de la chair à canon ! Ça prend des hommes sur le front; et des femmes aussi, certes. La guerre aux bogues n’est pas sexiste. Et les bogues sont légion ! Il faut dire, je m’en confesse docteur, que nous avions ordonné de couper court aux essais planifiés dans nos projets, toujours pour sacrifier au dieu des délais convenus. On se disait, pauvres naïfs, que nos brillants ingénieurs et nos brillants techniciens avaient la main habile et avaient su d’emblée générer un produit déjà exempt de bogues. Diantre : on les paie assez chers pour ça. Des rumeurs de départ massif commencent à circuler. Heureusement, le marché n’est pas très bon; on les tient en quelque sorte prisonniers. Car je vous le donne en mille : je partirais bien moi aussi ! Ce n’est pas joli, docteur, je le sais. Est-ce ça que vous appelez l’immaturité organisationnelle ? Et c’est grave, dites ?