Les entreprises qui méritent leur certification et les autres !
Petite histoire fictive pour mieux comprendre.
Il existe deux types de système de management : ceux qui coûtent et ceux qui rapportent !
Lorsque je présente la démarche qualité et la certification ISO 9001:2008 aux entreprises, j’initialise toujours mes démarches d’accompagnement en présentant à l’ensemble des équipes, direction incluse, les 8 principes de management de la qualité :
-orientation client, leadership de la direction, implication du personnel, approche processus, approche systémique, approche factuelle, amélioration continue et relation mutuellement bénéfique avec les fournisseurs.
A l’écoute de ces principes vertueux, les réactions sont systématiquement les mêmes : « mais c’est évident ! ». Sauf que d’expérience, face à ces principes, toutes les entreprises ne sont pas égales. Certaines se plient au jeu et font de leur démarche qualité, un outil de management participatif où l’amélioration devient le maître mot. A l’inverse d’autres restent ancrées dans leurs certitudes et ne parviennent pas à mettre en œuvre la dynamique d’amélioration continue. Prenons donc deux exemples d’entreprises, aux antipodes l’une de l’autre, pour étayer ce phénomène…
Le mauvais exemple : le problème c’est les autres…
Cette dernière souhaite être certifiée pour pouvoir attaquer des grands comptes institutionnels. Lors de ma première visite, j’arrive dans un climat tendu, où tout le monde s’agite et où le patron crie à tue-tête : « ils m’emmerdent ces clients ! Ils ne comprennent rien à rien ! ». Je profite donc de cette « aubaine » pour rebondir sur le principe de l’orientation client et demande au patron qu’il m’explique le problème en question. « Le problème ? Je vais vous l’expliquer ! C’est le client !
Il vient de nous envoyer une réclamation, car 8 équipements sur les 20 que nous lui avons envoyés ne fonctionnent pas ». Je lui demande alors comment ces équipements ont été contrôlés. « Ils ne l’ont pas été, car le client ne veut pas payer les contrôles ». Je lui précise que la norme attend que les produits soient livrés au client une fois l’exécution satisfaisante des dispositions planifiées et notamment des contrôles libératoires. Que le client paye ou non les contrôles finaux, l’entreprise ne peut pas livrer un produit sans s’être assurée de la conformité (aux critères d’acceptation) de ce qu’elle livre. D’autant qu’au-delà de la norme, il s’agit de pur bon sens. Une fois ce rappel effectué. je cherche donc à comprendre ce que va lui coûter cette réclamation. « Combien cela va me coûter ? Cher ! Les équipements sont en partie sous-traités en Chine, si je dois en reprendre 8, je vais manger toute la marge !!! ». Je lui demande alors combien de temps il lui aurait fallu pour réaliser un contrôle unitaire de ces équipements. « Une demi-heure par équipement ! Faisant un rapide calcul, je lui fais remarquer que la mise en place des contrôles aurait couté 300 $ pour réaliser un contrôle unitaire. Je lui demande alors d’estimer combien il va perdre sur l’affaire. « Attendez, je vends 700 $ l’équipement, il me coûte 400 $ à fabriquer, en refaire 8… euh… A peu près 3000 $! ». Donc pour avoir voulu économiser 300 $, cela vous a finalement couté 3000 $. « Effectivement », répondit-il désespéré. A mon deuxième rendez-vous, nous examinions l’avancement des travaux réalisés depuis ma dernière venue, un salarié de la production arrive la tête basse, en expliquant qu’il avait endommagé un équipement en voulant le nettoyer. Le patron sors littéralement de ses gonds : « Mais p*****, tu es vraiment un bourrin, tu ne fais attention à rien. Tu as 10 équipements à faire et tu trouves le moyen d’en casser un ! Comment on va faire ? P***** !!! ».
Une fois l’orage et l’avalanche de jurons passés, je prends le patron à part pour évoquer cet incident. Je lui demande, selon lui, pourquoi c’est arrivé. « Pourquoi ? Parce que c’est un âne, qu’il se fiche de tout. Je leur fournis les moyens, les outils, le temps et ils trouvent le moyen de saloper le travail. Il surenchérit : « les gens se plaignent de ne pas trouver du travail, mais quand ils en ont, ils gâchent tout, on ne peut pas leur faire confiance, il faut systématiquement être sur leur dos. Si c’est comme ça, je vire tout le monde, je fais le boulot moi-même et me paye 4 fois ce que gagne !! ». Je lui demande alors si des instructions de nettoyage, orales ou documentées, sont en place. Si les personnes sont qualifiées pour la réalisation de certaines opérations telles que la soudure, le sertissage, le nettoyage, etc… « Vous rigolez ! C’est ça la qualité, tout écrire ? Moi j’embauche des gens qui savent faire ce pour quoi je les paye ! Un point c’est tout ! ». Je lui fais remarquer que la moyenne d’âge de ses salariés doit tourner autour des 25 ans et l’ancienneté moyenne dans l’entreprise est de 2 ans. Je lui explique que la démarche qualité devrait, outre l’obtention de la certification, lui permettre :
– d’améliorer l’identification des compétences dont il a besoin,
– d’optimiser la gestion des compétences de ses équipes,
– d’améliorer les méthodes de travail pour éviter les problèmes et favoriser un environnement propice dans lequel les salariés évoluent sans stress,
– de mettre en place des outils d’analyse des causes des problèmes (5 Pourquoi, pour trouver les causes profondes, QQOQCCP, pour qualifier le problème, etc…) pour les éradiquer une bonne fois pour toutes et arrêter de jouer au pompier.
Avec beaucoup de tact, j’essaye enfin de lui faire comprendre qu’être certifié, c’est vouloir progresser et que vouloir progresser c’est être ouvert d’esprit et bienveillant. Qu’il pourra aisément être certifié initialement, mais que pour reconduire sa certification il devra démontrer que l’organisation est capable de s’améliorer. La finalité n’est pas d’être certifié, mais de déployer un outil de progrès.
Moralité : pas d’implication de la direction leadership incertain pas de remise en question pas de considération pour le personnel ni pour les clients = facteur d’échec dans l’amélioration continue.
Le bon exemple : la qualité est le fruit du travail de chacun…
Pour finir sur une note positive et preuve qu’il existe des entreprises qui font de leur système de management un outil de progrès, voici un résumé des pratiques mises en œuvre par une petite entreprise (7 salariés). Dès les premières journées de travail, j’ai eu le plaisir de retrouver l’ensemble des acteurs de l’entreprise autour de la table, preuve des ressources allouées par la direction. La direction, ayant bien compris les apports d’un management participatif, a voulu mettre en œuvre, dès le début de la démarche, un système de remontée de suggestions d’amélioration. Elle a donc mis en place des rapports d’étonnement. Le principe est simple, chaque mois, la direction reçoit en entretien individuel chaque membre du personnel et leur demande de revenir sur les faits marquants positifs et négatifs de la période écoulée, ainsi que des suggestions pour améliorer l’organisation du travail.
S’en est ainsi suivi une pléiade d’actions d’amélioration, préventives et correctives, pilotées par ceux qui les ont suggérées. Des entretiens individuels mensuels sont menés avant l’établissement des bulletins de paye. En fonction des actions menées / suggérées, de la connaissance des valeurs affichées de l’entreprise et de la qualité opérationnelle du travail (mesurée factuellement selon une grille d’évaluation), des primes sont allouées, pouvant atteindre jusqu’à 50% de la rémunération fixe. Voilà comment la direction a « industrialisé » le pilotage de l’amélioration continue dans un climat où chacun comprend l’intérêt et y trouve une motivation. Cette entreprise a été certifiée 12 mois après l’initialisation de sa démarche, sans aucune non-conformité et avec une multitude de points forts sur l’implication de la direction et du personnel.